Comment fabriquer son medium pour peindre à l’huile

Je me suis rendu compte au fil des années, et de mes années d’enseignement en particulier, que de plus en plus de peintres, même parmi les grands débutants, souhaitent mettre les “mains dans le cambouis”. J’entends par là: souhaitent fabriquer eux même les différents produits destinés à les aider à mettre au jour les créations qu’ils portent au fond de leur âme… C’est une bonne chose.

Qui ne s’est pas senti limité un jour par les propriétés de tel medium à peindre, de tel vernis, de telle couleur? … Il peut être utile de temps à autre de migrer du standardisé au personnalisé. C’est là l’objet de mes fiches, après tout.

Et puis, en tant qu’ancien restaurateur des musées nationaux (Louvre et château de Versailles, entre autres), ayant eu accès à des oeuvres dont vous imaginez aisément  l’intérêt et la valeur esthétique, il me semble utile de partager certaines de nos connaissances, de nos savoir-faire Français vers les amateurs éclairés qui me rendent visite ici…

Comme d’habitude, (pour celles et ceux qui me lisaient sur mon ancien blog),  j’opte toujours pour des solutions simples, faciles, économiques et offrant des garanties de durabilité pour les oeuvres finies.

Commençons par 3 diluants de la peinture à l’huile dont je vous indique les proportions. Comme toujours, vous apprendrez de vous même à faire varier certaines proportions, selon vos besoins, en n’oubliant jamais de faire des tests préalables:

   
 

Ces 3 diluants offrent des particularités assez larges: brillance, temps de “séchage” allongé ou raccourci, transparence, jaunissement, recouvrement, etc…

Les produits de base se vendent souvent au litre, sauf pour l’essence de pétrole et les huiles comme la standolie que l’on trouve en flacon de 200ml. Pour tout diluant de base, il faut au minimum une huile et un agent “plastifiant”. La gomme dammar pré-diluée à 33% dans l’essence de pétrole est l’agent “plastifiant” le mieux adapté pour la fabrication de mediums à peindre variés. L’avantage de cette présentation est la simplicité d’emploi.

Pour l’huile, prenez une huile de lin clarifiée, prenez aussi une huile de lin polymérisée dite Standolie”, et enfin un liant de broyage à l’huile.

Le solvant sera de préférence une essence de pétrole, plus stable que la térébethine qui finit toujours par se résinifier avec le temps. La résinification de la térébenthine entraine l’apparition d’une résine appelée colophane, visqueuse, collante et ne séchant pas…

Prenez quelques bocaux vides et propres, type bocal à confiture, et graduez les au feutre selon les proportions de la recette que vous choisissez.

Medium liant à 10%

Liant de broyage 10%, standolie 20%, huile de lin clarifiée 50%, essence de pétrole 20%. Ce medium a un aspect satiné. Il permet de travailler dans le demi-frais pendant quelques jours. Il s’allonge à l’essence de pétrole ou à la térébenthine. Si vous préférez l’allonger à l’essence d’aspic, vous obtiendrez des glacis lumineux. Je l’utilise lorsque j’ai besoin de travailler plusieurs jours sur des pièces plutôt grandes, nécessitant des reprises, sans risquer d’arracher le fond: les superpositions dans le demi-frais ne posent aucun problème. Ce medium peut être enrichi d’une cire naturelle si l’on souhaite travailler en empâtements: cette méthode par la cire naturelle permet d’économiser vos couleurs. En effet, plutôt que d’augmenter la proportion de couleur, vous augmentez la proportion du medium, lequel est indispensable à la stabilité des empâtements à l’huile. Ci-dessous, une peinture réalisée avec ce diluant. Il s’agit d’un cheval (un Akhal Téké) peint à l’huile sur toile, grandeur nature…

Rafael-Akhal-1-ico

Medium liant à 40%

Gomme dammar (pré-diluée dans l’essence de pétrole) 30%, liant de broyage 40%, huile de lin clarifiée 10%, essence de pétrole 20%. Ajoutez à cette recette 5% de son total en siccatif de Courtrai. Ce medium est d’un aspect ambré. Il est plus siccatif que le précédent. Les reprises dans le demi-frais sont possibles dans les 24 à 72 heures, selon la peinture à l’huile utilisée. Depuis quelques années les fabricants de couleurs tendent à remplacer les huiles de lin et d’oeillette traditionnelles par d’autres huiles, comme l’huile de soja (reconnaissable à son odeur), l’huile de carthame ou l’huile de palme; cela a souvent pour effet d’allonger les temps de séchage. Sans augurer de la tenue dans le temps de ces couleurs à l’huile nouvelle génération, je me contenterai de signaler que l’adjonction d’un bon medium améliore toujours la résistance des couleurs… L’aspect du film coloré réalisé avec ce diluant à 40% est brillant. Les glacis sont intenses et uniformément brillants: même avec les terres naturelles. Je n’ai pas noté l’apparition d’embus. On superpose les couches aisément avec un délai court: entre 24 et 48 heures en moyenne… La viscosité du diluant permet les empâtements légers et les effets de matière en surface.  Je l’utilise pour les travaux contemporains, rapides, et….. Pour les copies des Anciens, car son aspect légèrement ambré donne une chaleur interne à tous les mélanges, y compris pour le blanc. Ci-dessous un “Rembrandt” peint en 2011…

Rembrandt

Vernis à peindre Français:

Cette recette de medium est issue de la tradition Française du 18è siècle en particulier. Avant le “boum” technologique du 19è siècle. Elle est toute simple, facile à réaliser, et d’une utilisation laissant libre cours à toute sortes de modifications en cours d’emploi.

Gomme dammar (pré-diluée dans l’essence de pétrole) 30%, huile de lin clarifiée 60%, essence de pétrole 10%

Ce vernis à peindre, très clair, (le mot “medium” est d’un emploi récent), est multi-tâche. Si vous l’allongez, en début de travail, d’essence de pétrole à hauteur de 80% par exemple (c’est à dire 20% de vernis et 80% de pétrole), vous vous en servirez pour toutes vos ébauches, vos pochades et autres travaux préparatoires. Vous l’utiliserez ensuite tel que vous l’avez fabriqué pour la conduite générale de votre oeuvre. Si en cours de travail vous l’allongez de 60% d’essence de pétrole (c’est à dire 60% de pétrole et 40% de vernis), vous en faites un excellent vernis à retoucher qui redonnera une brillance uniforme à la couche picturale et fera disparaître les embus (zones mates apparaissant parfois en cours de séchage), attention: vernissez à l’horizontale. En diminuant encore le pourcentage d’essence de pétrole, 30% par exemple, vous en faites un bon vernis définitif à appliquer après le durcissement de l’oeuvre, soit une année environ après le dernier coup de pinceau (on n’oublie pas de dépoussiérer l’oeuvre avant le vernis définitif). L’avantage final de ce vernis à peindre, est que, utilisé en vernis définitif, il est parfaitement réversible. C’est à dire que l’on peut l’enlever de l’oeuvre dans le cadre d’une restauration (allègement ou dévernissage), même de nombreuses décennies après l’avoir appliqué… Ci-dessous, une toile peinte avec ce medium: “Chîrîn”, série Persian Poetry, 2008, cette oeuvre de grand format fait alterner des opacités intenses de couleurs pures avec des successions de glacis superposés avec soin. Cette technique particulière nécessiterait un temps de travail gigantesque avec un medium ordinaire. L’utilisation du vernis à peindre Français raccourci le temps de prise de moitié…

Persian Poetry - Chirin

Ces 3 recettes ne sont pas exhaustives bien sûr. Elles ne sont que des indications. Les formulations que votre expérience vous conduira à créer ne seront pas moins valables. Prenez garde à ne pas multiplier le nombre des produits dans un seul et même medium. Ce n’est pas une quête alchimique: la simplicité des recettes et la qualité des matériaux priment. D’ailleurs, en réalisant vos mediums vous même, vous ferez une économie pouvant aller jusqu’à 70%, tout en achetant des produits de base de grande qualité… Alors ne jetez plus vos bocaux de confiture vides…

Rafael de Tours – Bichon et Gustav Kaizen associés

KaizenGallery – Atelier Rafael galerie d’art en ligne, atelier d’artiste, tableau contemporain, restauration de tableau, encadrement de tableau, Nice, Cannes, Monaco,Saint Tropez

4 thoughts on “Comment fabriquer son medium pour peindre à l’huile”

  1. Bonjour,
    J’ai préparé du medium à 10% en suivant votre recette et souhaite fabriquer du medium d’empâtement a partir de ce medium + de la cire d’abeille. quel serait le mode opératoire pour obtenir ce gel d’empatement?
    merci de votre réponse
    cordialement
    JC

  2. Bonjour,
    Le mode opératoire est simple, mais non sans danger. 2 options se présentent:

    1- votre medium est déjà prêt, et vous voulez lui adjoindre un épaississant naturel.
    2- vous n’avez pas encore préparé votre medium, vous en êtes au tout début.

    Avant de commencer, parlons des cires généralement utilisées dans les liants et diluants de la peinture à l’huile:
    La cire d’abeille se ramollit à partir de 35C°; son point de fusion se situe entre 62 et 65C°.
    La cire de carnauba a un point de fusion plus élevé, entre 80 et 86C°. Elle est aussi un peu plus colorée.
    Les cires ont l’avantage de coaguler rapidement lorsque la température baisse, cela permet d’obtenir des matières qui se tiennent mieux, sans risque de couler sur la toile, le temps de la prise à coeur. Cela signifie aussi qu’elles demeurent thermosensibles. C’est pourquoi il n’est pas rare de mélanger les 2 cires; 1/3 de cire de carnauba et 2/3 de cire d’abeille par exemple.
    La proportion de cire est située entre 3 et 5% de la masse totale du medium. Il est préférable de ne pas trop en mettre, car outre l’aspect matifiant de la cire, (qui peut être un effet recherché), elle reste cassante, surtout sur un support de toile.

    La préparation se fait à chaud. Utilisez de préférence une plaque électrique et un bain Marie pour des raisons de sécurité. Prévoyez un couvercle pour la casserole si celle-ci est posée directement sur la plaque électrique, à cause des vapeurs d’essence de pétrole dans le cas 1; aérez bien la pièce pendant l’opération.

    Faites fondre lentement la cire. Si vous optez pour un mélange à 2 cires, commencez par la carnauba. Lorsqu’elle sera fondue, ajoutez rapidement la cire d’abeille, observez la dilution se faire, et mettez le tout hors feu. Commencez à verser votre medium (cas 1) dans la casserole en remuant. Le mélange étant fini, versez le tout dans un bocal.

    Pour le cas 2, lorsque les cires sont fondues, hors feu, vous ajoutez en premier l’huile de lin et l’essence de pétrole, puis les autres matériaux après.

    En travaillant avec prudence et patience, tout se passera bien.
    D’avance, félicitations.
    Cordialement

  3. Merci beaucoup pour votre réponse détaillée, je suis dans le cas 1 (medium déjà prêt) .
    Si j’ai bien compris, le danger réside dans le fait que des vapeurs de pétrole puissent s’enflammer au moment où l’on verse le medium dans de la cire trop chaude ?
    bien à vous
    JC

  4. Oui, sur le plan théorique, c’est une possibilité. C’est pourquoi il est préférable d’éloigner les flammes. Une plaque électrique est plus sûre. Un couvercle au cas où. Une bonne aération. (Cire + essence de pétrole + flamme: le risque est là).
    Avec de la cire d’abeille seule, qui fond à une température plus basse que la cire de carnauba, les risques sont quais nuls. En respectant ces règles de sécurité, tout se passe bien.
    Bien cordialement.

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