Kaizengallery - Couleurs primaires, (débutants)

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Article de Rafael de Tours

On aime bien en Occident trouver les principes premiers de toutes choses. En philosophie, en sciences, en histoire, en religion (la religion monothéiste serait par ce principe même universelle…), bref, c’est notre univers mental propre, et il faut bien reconnaître que, grosso modo, il reflète, bien souvent, des vérités qui finissent par se révéler universelles.

Et il en va des théories de la couleur comme des autres théories.

Nos anciens maîtres étaient parvenus à définir, par l’analyse méticuleuse de la nature, des couleurs de base indispensables à la conduite d’une oeuvre. Ils n’avaient pourtant pas encore découvert les règles de l’optique qui permirent, presque par accident d’ailleurs, la mise en évidence des couleurs contenues à l’intérieur du rayon lumineux, (du rayon solaire autant que de la simple bougie), apparaissant à la sortie du prisme de verre.

L’alliance de la science et de l’art a confirmé l’existence de couleurs primordiales donnant naissance à l’ensemble des autres couleurs de la nature. A cette époque, (fin du 18è S., début du 19èS.), on confondait (en peinture) la reproduction des couleurs de la nature, avec celles du spectre solaire. La science viendrait, bien plus tard, au 20è S., démontrer que les couleurs primordiales du peintre ne sont pas les mêmes que les couleurs primordiales du photographe et du cinéaste – mais cette question fera l’objet d’une page séparée, et d’un niveau plus avancé, “synthèse additive et synthèse soustractive”-

Revenons à nos couleurs primordiales. En quoi sont elles primordiales ?

Ces couleurs sont dites primordiales, ou primaires, car elles sont les seules à ne pas pouvoir être produites par le mélange de deux ou plusieurs autres couleurs. (???)

On ne peut pas produire l’effet chromatique jaune, rouge, et bleu autrement que par eux même. Alors que toutes les autres couleurs, je dis bien TOUTES, peuvent être produites à partir de ces trois couleurs fondamentales.

Exemple: le vert =jaune + bleu / le violet= rouge + bleu / l’orange= jaune + rouge. Ce nouveau groupe de couleurs (vert, violet, orange), presque aussi fondamental que les trois couleurs de base, est appelé groupe de couleurs secondaires.

J’attire votre attention sur le fait que le “blanc” n’est pas considéré comme une couleur, mais comme un adjuvant de la couleur. Le “noir” quand à lui, dont la fonction sur la palette est comparable à la fonction du “blanc” comme complément, peut néanmoins être produit à partir du mélange des trois couleurs primaires à part égale, ou des trois couleurs secondaires entre elles.

Et quid des “marrons” alors ? Les marrons sont le produit, dans un premier temps, du mélange d’une couleur primaire et de sa complémentaire, (manière la plus directe).

Exemple: tracez un triangle – à chaque pointe du triangle vous écrivez le nom d’une couleur primaire, soit: jaune, rouge, bleu – puis vous tracez un nouveau triangle inversé venant couper les côtés du premier triangle (vous dessinez une Etoile de David en définitive) – sur les pointes de ce nouveau triangle vous inscrivez les trois couleurs secondaires, soit : entre le jaune et le bleu = le vert / entre le bleu et le rouge = le violet / entre le jaune et le rouge = l’orange. Vous avez à présent 6 couleurs fondamentales. Maintenant vous tracez une ligne de la pointe verte à la pointe rouge par exemple. Le mélange de ces deux couleurs produit ce que l’on appelle les “bruns du peintre”, dont l’éclat, ou la neutralité sourde, seront le résultat de la qualité des pigments employés, et du dosage des deux couleurs. C’est là affaire d’expérience. Un résultat semblable sera obtenu avec le mélange de chaque autre paire de couleur, soit: bleu et sa complémentaire orange / jaune et sa complémentaire violette.

[Bon, il est vrai que l'artiste peintre préfère généralement se procurer des marrons issus du broyage des terres naturelles, d'Italie particulièrement, plutôt que de les faire lui même !!!]

Bien, bien ,bien… Et après?

Vous remarquerez, dans la peinture classique, comme dans la peinture moderne et contemporaine, même chez Soulages, que l’artiste règle sa composition tant sur le travail du graphisme que sur l’ordonnancement des couleurs qui viennent souligner ce graphisme.

Entrainez vous à réduire les oeuvres que vous aimez à des proportions distinctes des 6 couleurs fondamentales…Et des bruns qui les enveloppent, surtout dans la peinture dite “classique” – (???)

Bon ok… Il nous faut un exemple:

Prenons du peintre Hollandais Johannes Vermeer, le tableau “La laitière”, petit tableau de 45,5 cm de hauteur, environ 1658 / 1660, conservé au Rijksmuseum d’Amsterdam.

 

 

 

       

 

Ne parlons pas de la composition, ni du sujet, ni de rien de ce qui concerne la plastique de cette oeuvre fort célèbre; “le monde est devenu peinture”, a dit Malraux le concernant, (1951).

Regardons les masses de couleur :
la dominante est constituée par le fond du tableau : beige, crême, bruns (blanc + un mélange de deux couleurs complémentaires, ou blanc + une terre naturelle)
Pour la scène même: utilisation des trois couleurs primaires, soit: jaune, rouge, bleu. Puis deux couleurs secondaires : vert et orangé. Enfin, un jeu de bruns-jaunes francs.
Observons que les trois couleurs primaires ne sont pas traitées de façon pure et en aplats unis, mais rompues ou rabattues; c’est à dire assombries ou éclaircies. Cela permet de ne pas produire un effet détonnant, compte tenu des petites dimensions du tableau.
Ces couleurs sont réparties sur un schéma triangulaire:
Le bleu = la cruche bosselée à gauche, le drap sur la table et le tablier de la dame.
Le jaune = Le panier fixé sur le mur en haut à gauche, les pains sur la table, le vêtement de la dame.
Le rouge = délicat, car on peut le considérer comme un “orangé”, l’ensemble pot à lait et récipient, la robe de la dame, le chauffe pied au sol.
La masse verte, est en fait un ocre vert, c’est à dire un mélange d’une secondaire et d’une tertiaire, soit : vert + ocre jaune.

Conclusion:
Nous avons ici une harmonie colorée complexe; on dit “un lien chromatique complexe”, réductible à deux primaires et deux secondaires, soit bleu / jaune et vert / orange.

Remarquez la position du vert dans la composition:
Sur les bras, le plis vert est encadré par un replis bleu et par le vêtement jaune de la dame = bleu + jaune donnent vert.
La nappe sur la table: corbeille et pain ocre jaune, brun jaune et drap bleu = nappe verte.

Remarquez la teinte de la robe “rouge”:
Il s’agit en fait d’un rouge orangé: rouge, car complémentaire du vert de la nappe, mais aussi orangé, car complémentaire du bleu du tablier. S’il avait peint cette robe en violet, (la seule couleur secondaire non représentée dans ce tableau, jetez un oeil sur votre “Etoile de David” chromatique pour vérifier), une tâche serait alors apparue dans la composition: essayez ! Faites une photocopie couleur du tableau, et peignez la robe en violet, d’une luminosité équivalente au rouge orangé, avec un peu de gouache ou d’acrylique…Vous verrez.

 

   ?

 

Les choses commencent elles à vous paraître plus évidentes maintenant ? Sachez également que l’utilisation des deux couleurs primaires “bleu et jaune”, est assez caractéristique de Vermeer.

Nous pourrions multiplier les exemples… Sans intérêt.

En revanche, et c’est là ce qu’il faut retenir: le jeu de ces 6 couleurs de base n’est pas une invention d’artiste, un caprice de la mode, ou une convention propre à une culture donnée à un instant “T”. C’est le fruit d’un long, d’un très long travail d’observation de la nature et de ces effets chromatiques.
Le travail sur les liens chromatiques simples ou complexes n’est pas non plus une invention des “modernes”, il a toujours existé; les modernes l’ont juste affranchi du dessin et du sujet; certes, c’était tout de même gonflé ! Cette révolution de l’accès à la surface peinte était nécessaire, merci… Je voulais juste faire observer que le lien chromatique de Vermeer, “bleu-jaune” + petite surface, s’il n’a pas révolutionné l’histoire de l’art, n’en n’était pas moins gonflé pour l’époque. Voilà tout.

Je pense à l’instant que j’aurais dû vous faire travailler sur un Nicolas Poussin… Les harmonies colorées sont intéressantes, même si le dessin prime chez lui…
Allez: je vous toucherai deux mots de la “Grande Querelle” des Poussinistes et des Rubenistes, (ce sera une page statique, un jour…).

Des questions ?

 

 

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